Falstaff, Opéra de Lille
Opéra de Lille

Falstaff

Verdi
Ce spectacle n'est plus disponible en vidéo à la demande, mais vous pouvez encore profiter des contenus annexes à la production.
Diffusé le Disponible jusqu'au Enregistré le
Chanté en
italien
Sous-titres en
français
anglais
italien

Falstaff, le célèbre dépravé aux yeux baladeurs, trouve adversaires à sa taille lorsque ses stratagèmes pour venir à bout de ses problèmes d'argent incitent les joyeuses commères de Windsor à conspirer pour lui donner une bonne leçon.

Verdi, octogénaire, a déjà derrière lui une carrière pleine de succès lorsqu’il compose Falstaff. Pour cette œuvre qu’il pressent la dernière, après Otello et Macbeth, il retrouve Shakespeare mais pour une comédie cette fois, autour de la figure grotesque de Falstaff. Ivrogne, coureur de jupons et fauteur de troubles, gras et glouton, Falstaff est aussi capable de tendresse et de chagrin. C’est cette figure éminemment bouffe, attachante et populaire, tellement humaine dans ses excès comme dans ses effondrements que souhaite convoquer le metteur en scène Denis Podalydès dans un décor inspiré d'un hôpital délabré imaginé par Eric Ruf. Ce chef d’œuvre musical, où l’orchestre joue un rôle particulièrement important, est dirigé par Antonello Allemandi. Vêtus de costumes signés Christian Lacroix, un plateau de chanteurs de la nouvelle génération vient donner vie à tous ces personnages hauts en couleur qui constituent une véritable troupe.

Distribution

Falstaff
Tassis Christoyannis
Alice Ford
Gabrielle Philiponet
Meg Page
Julie Robard-Gendre
Mrs. Quickly
Silvia Beltrami
Nannetta
Clara Guillon
Ford
Gezim Myshketa
Fenton
Kevin Amiel
Docteur Caïus
Luca Lombardo
Bardolfo
Loïc Félix
Pistola
Damien Pass
Comédiens
Laurent Podalydès
Léo Reynaud
Orchestre
Orchestre National de Lille
Chœurs
Choeur de l'Opéra de Lille
...
Musique
Giuseppe Verdi
Texte
Arrigo Boito
Direction musicale
Antonello Allemandi
Mise en scène
Denis Podalydès
Collaboration à la mise en scène
Laurent Delvert
Décors
Éric Ruf
Costumes
Christian Lacroix
Lumières
Bertrand Couderc
Maquillage et coiffures
Véronique Soulier Nguyen
Chef des Chœurs
Mathieu Romano
Chef de chant
Nicolas Chesneau
Assistant(e)s à la scénographie
Julie Camus
Zoé Pautet
Collaboration aux mouvements
Cécile Bon
...

Nouvelle production de l'Opéra de Lille. Coproduction Théâtres de la Ville de Luxembourg et Théâtre de Caen.

Vidéos

Trailer

Un avant-goût de Falstaff

Une œuvre plus mystérieuse qu’un règlement de comptes farcesque…

Lire moinsLire la suite
Extrait

Ninfe! Elfi! Silfi! – Sul fil d'un soffio etesio (Air de Nannette)

Falstaff accepte de rencontrer Alice dans la forêt de Windsor, mais il ne sait pas que tout le monde à Windsor a l'intention de le piéger et qu'ils ont tous l'intention de passer la nuit dans la forêt, portant divers déguisements. Nannette (Clara Guillon), déguisée en reine des fées, conduit la troupe en invoquant les nymphes, les elfes, les sylphes et les sirènes. 

Lire moinsLire la suite
En coulisses

Denis Podalydès (metteur en scène)

Denis Podalydès au sujet de sa mise en scène de l'opéra Falstaff de Verdi à l'Opéra de Lille.

Lire moinsLire la suite
En coulisses

Antonello Allemandi (chef d'orchestre)

Le chef d'orchestre Antonello Allemandi dirige Falstaff de Verdi à l'Opéra de Lille.

Lire moinsLire la suite

L'histoire


Acte I

Le docteur Caius est venu se plaindre auprès de Sir John Falstaff que Bardolfo et Pistola, les compagnons indisciplinés de Falstaff, l'ont fait boire et l'ont volé. Ils se moquent de lui jusqu'à ce qu'il quitte l'auberge en furie. Le propriétaire lui présente une facture et il devient clair que Falstaff est chroniquement à court de fonds. Il espère remédier à la situation en ébauchant un plan pour séduire deux femmes, Alice Ford et Meg Page, les épouses des riches hommes de Windsor. Lorsque Bardolfo et Pistola refusent de faire partie de ses plans, Falstaff est scandalisé par leurs excuses inventées de toutes pièces et les jette dehors.

Alice et Meg découvrent qu'elles ont reçu des lettres d'amour identiques de la part de Falstaff et décident de lui donner une leçon. Mrs Quickly accepte de les aider en l'attirant à un rendez-vous. Entre-temps, Bardolfo et Pistola ont informé Ford des plans de Falstaff, dans l'espoir d'une récompense financière. Ford décide de tester la vertu de sa femme en rendant visite à Falstaff déguisé et en prétendant lui demander son aide pour la séduire. Sa fille, Nannetta, et son amant, Fenton, s’arrachent des baisers dès qu'ils en ont l'occasion.

Acte II

Bardolfo et Pistola supplient d'être autorisés à retourner au service de Falstaff. Mrs Quickly vient donner à Falstaff les réponses de Meg et d'Alice, l'invitant à rendre visite à Alice plus tard dans la journée. Les choses semblent se dérouler de façon encore plus satisfaisante lorsque Falstaff se voit offrir de l'argent comptant par un étranger qui se fait appeler Brook (il s’agit en réalité de Ford déguisé) afin de séduire Alice. Falstaff donne son accord avec empressement et, pendant qu'il se prépare à une conquête amoureuse, Ford s'emporte contre sa femme et son infidélité présumée.

Nannetta déplore le fait que son père essaie de la marier au docteur Caius. Alice la rassure et, avec Meg et Mrs Quickly, se prépare à recevoir Falstaff. Elles ont l'intention de faire semblant que son mari est rentré à la maison de manière inattendue et de le forcer à se cacher dans un panier à linge. Tout se déroule comme prévu jusqu'à ce que Mrs Quickly annonce que Ford est vraiment sur le chemin du retour, déterminé à surprendre Falstaff avec sa femme infidèle. Dans le chaos qui s'ensuit, Falstaff et le linge sale sont déversés dans la Tamise et les seuls amoureux découverts sont Nannetta et Fenton. Ford est forcé d'admettre qu'il a eu tort de suspecter Alice.

Acte III

Falstaff s'insurge contre l'injustice de son traitement et Mrs Quickly a du mal à le convaincre d’accepter une seconde invitation d'Alice. Finalement, il accepte de la rencontrer ce soir-là dans la forêt de Windsor où, selon la légende locale, des sorcières se rassemblent et le fantôme de Herne le Chasseur est parfois vu. Mrs Quickly lui conseille d'effrayer tous ceux qui pourraient le voir en adoptant l'apparence d'Herne le Chasseur, portant des bois de cerf sur la tête. Falstaff ne sait pas que tout le monde à Windsor a l'intention de le piéger et qu'ils ont tous l'intention de passer la nuit dans la forêt, portant divers déguisements. Ford se réjouit à l'idée de se venger de Falstaff et est également déterminé à forcer sa fille à épouser le docteur Caius. Mrs Quickly l'entend et trouve un moyen de le piéger aussi, en habillant quelqu'un d'autre avec le costume de Reine des Fées de Nannetta.

À l'approche de minuit, les gens commencent à se rassembler dans la forêt. Falstaff apparaît et fait des efforts acharnés pour séduire Alice. Alors que des bruits surnaturels se font entendre au loin, elle s'enfuit, laissant Falstaff seul et tourmenté face aux citadins déguisés. Ce n'est que lorsqu'il reconnaît le nez rouge flamboyant de Bardolfo que le tour est découvert. Ford se moque de Falstaff et donne ensuite sa bénédiction à l'union de deux couples, en supposant qu'un couple soit Caius et Nannetta. Quand ils enlèvent leurs déguisements, il découvre qu'il a approuvé le mariage de Nannetta avec Fenton et que le docteur Caius a été uni à Bardolfo. Les femmes se réjouissent de leur triomphe sur les soupçons et les vanités des hommes et Falstaff emmène tout le monde dans un dernier éclat de rire.

 

EN PROFONDEUR

Les boursouflures de Falstaff

Note d’intention du metteur en scène Denis Podalydès.

 

La figure shakespearienne de Falstaff : l’homme « bigger than life »

Bien avant de connaître l’opéra, j’ai vu le film « Falstaff » d’Orson Welles, dans lequel il interprète lui-même le rôle-titre. Je les ai identifiés l’un à l’autre. Welles, plus sensible à sa poésie et à sa profondeur qu’à sa truculence, n’en fait jamais un personnage ridicule. Falstaff, c’est l’homme bigger than life, disait-il, excédant et pulvérisant toutes les catégories, les lois, la morale, la religion, l’honneur. Rien ne le limite ni ne le contient, lui-même ne se limite ni ne se contient, rien ne peut embrasser sa circonférence, qui est aussi son talon d’Achille, si l’on peut dire. La panse est à la fois signe de générosité et de faiblesse, de puissance et de maladie : sa vérité, sa grandeur, sa singularité, sa servitude et sa douleur. La grâce et la graisse, l’art et le lard. Falstaff est un Seigneur d’une élégance et d’une profondeur merveilleuses, plein d’humour et de mélancolie, de verve et de souffrance. Sa naïveté est toute d’intelligence : il préfère toujours risquer le ridicule et le désaveu plutôt que manquer à une femme, plutôt que de ne pas la regarder, tenter de la conquérir, une dernière fois, parce qu’il est près de la fin.

Point de convergence de toutes les moqueries, il n’a aucune idée du mal qu’on peut lui vouloir, du regard ironique et cruel qu’on porte sur lui, du dégoût même qu’il peut inspirer. 

Les sociétés adulent puis sacrifient ce genre de personnage. Le lynchage dont il fait l’objet dans la pièce de Shakespeare (Les Joyeuses commères de Windsor) comme dans l’opéra, est ahurissant. Par deux fois, Falstaff est berné, humilié, molesté, presque assassiné. Une première fois, on l’étouffe et on le noie. Une seconde fois, on le larde et on le transperce. Le taureau devient cerf, le prédateur pitoyable proie. On pourrait voir Falstaff sous les traits d’un butor, un Harvey Weinstein, séducteur grossier, outre pleine de suffisance, de fric et de cynisme, vengé par des Alice, Meg et Quickly abusées. Mais ce n’est pas ça : Falstaff est pauvre, impotent et irrésistiblement sympathique. Et la mort n’est pas loin. L’œuvre est plus mystérieuse qu’un règlement de compte farcesque.

Un combat pour la vie

Dernière œuvre de Verdi, c’est une suite dramatique d’une virtuosité extrême, d’une immense et fulgurante beauté. À peine a-t-on le temps de saisir la splendeur d’un passage qu’on bascule dans l’instant d’après, et c’est autre chose. Tout est mouvement, accélération, décélération, changement de rythme, métamorphose. Verdi fait preuve d’une énergie et d’une vitalité stupéfiantes, bigger than life. À l’image de la bedaine de Falstaff, la boursouflure est moins affaire d’exagération grotesque que de mouvement inexorable vers l’éclatement, la crevaison, à tous les sens du terme. Le livret de Boito regorge de tous les synonymes possibles pour dire et faire enfler le ventre. À 80 ans, Verdi a songé longtemps au Roi Lear, dont il voulait tirer un opéra. Il ne l’a pas fait mais Falstaff n’est pas loin de Lear. Lui aussi a perdu son royaume, son pouvoir, ses amours. Lui aussi est emmené dans la tempête, humilié et battu. Je ne peux imaginer que Verdi n’ait pas pensé à sa propre fin.

Un lieu d’humanité

Nous jouons la pièce dans un vieil hôpital : une action comique dans un lieu de maladie et de mort. Une de ces maisons de long séjour, entre asile et sanatorium, à l’écart du monde. Paradoxalement, la vie y est riche et parfois joyeuse. Entre les patients à demeure et le personnel hospitalier, se trament quantité d’histoires ; médecins et infirmiers trafiquent avec les malades ; on se passe de l’alcool, de l’argent, des drogues en contrebande. Les lieux sont nommés dans un code connu des malades, ou inventé par eux. La Jarretière, c’est la salle commune, le bois de Windsor, le bloc, etc. Falstaff est un malade parmi d’autres, peut-être même plus sérieusement malade que d’autres et son poids est aussi une forme de condamnation. Les femmes dont il tombe amoureux et celles qui vont le duper sont les infirmières. Caïus est médecin bien sûr, Ford pharmacien et intendant. Bardolfo et Pistola partagent la même chambrée que lui.

Assez présente aussi dans cet opéra, la question féminine : parce qu’il se croit désirable, le regard des femmes sur Falstaff, objet de dérision, est impitoyable.  La cruauté de Meg, Alice, Quickly et Nannetta envers le mâle dominant est aussi le signe de leur libération, de leur affranchissement.

L’ambivalence de l’œuvre

Si on ne joue que la farce, la cruauté du livret est inutile, désagréable. L’œuvre commence et bondit dans l’histoire sans préambule, on est embarqué, pris comme dans un train fantôme, à toute vitesse. C’est drôle, mouvementé, divers, vivant. Falstaff nous apparaît au milieu d’une querelle anecdotique de beuverie dont il règle la question comme un roi dérisoire ordonnant sa cour. Puis un motif wagnérien nous permet d’élargir la dimension du personnage, à la fois vers la comédie, l’humour, constamment présent, et vers l’amplitude, la noblesse et la poésie. Le rire amène le sérieux et le sérieux ramène le rire. Le thème du chasseur noir, du chêne de l’Herne, la forêt, les coups de minuit, l’angoisse de Falstaff, les fées, l’air de Nannetta, puis la longue séquence de lacération, jusqu’à la fugue, tout cela nous emmène dans un au-delà de la comédie légère, comme Shakespeare le fait dans Le Songe d’une nuit d’été, Le Conte d’hiver ou La Tempête. Toutes les grandes œuvres, y compris les œuvres comiques, sont ambivalentes : on rit parce qu’il y a un fond sérieux, sombre et tragique, de même qu’inversement, toutes les grandes œuvres tragiques donnent à rire, du moins chez Shakespeare.

« E sogno o realta ? » (est-ce un rêve ou la réalité ?) La question de Ford peut être entendue comme générique.